jeudi 12 mars 2015

Fabrice Pascaud dans Supérieur Inconnu

L'ANTRE-CIEL-ÉTHER


Entre fond et comble
le choc du “où” et du “déjà là”


ferme les temps et les lieux

Il expulse l’être de tous ses étages

et le jette sur le poing de la foudre.
Marc Thivolet 1


La poésie est née (cette façon faussement historique du parler, simple métaphore) par le fait non d’hommes qui se proposaient d’être poète, mais d’êtres qui atteignirent la poésie en visant l’existence, envahis par un flux et qui faisaient voir et toucher aux autres ce qu’ils voyaient, touchaient eux-mêmes.2 Ce flux de l’agir n’est-il pas à la source de tout jaillissement susceptible d’exposer l’être intérieur à son propre feu ? Ce faire ne saurait vivre en l’absence de l’autre dont la présence préside à toute manifestation et confère tout son sens au voir. « Donner à voir », à « toucher » s’impose dès lors que se profile l’éclipse du face-à-face qui se joue des incidences du jour par jeux de clair-obscur.

Ces « êtres qui atteignirent la poésie en visant l’existence » ne sont-ils pas frères de ceux qui contemplèrent le ciel pour en comprendre le langage, en écouter la musique et en interpréter les messages ? Ces hommes « encielisés » scrutant la course des nuages et interprétant le vol des oiseaux 3 pour entrer en vibration poétique avec l’univers. Ces hommes pour qui le Verbe des astres se fit révélation parce qu’ils entendirent en eux un murmure secret auquel ils se devaient de répondre. Et ces hommes devinrent le théâtre d’un ciel de chair et de sang avec par ordre d’apparition : Le Soleil gouverneur de la vitalité, du cœur et de l’œil droit ; la Lune : de l’enfance, de l’imaginaire et de l’œil gauche ; Mercure : de l’adolescence, de la mobilité et de l’intellect ; Vénus : de la beauté, de l’amour et des arts ; Mars : des élans, de l’énergie et de la force ; Jupiter : de l’orgueil, de la noblesse et de la générosité ; Saturne : du squelette, de la sagesse et du temps ; Uranus : des découvertes, de la révolte et de l’indépendance ; Neptune : des rêves, de l’idéalisme et de l’utopie. Pluton : de la métamorphose, des épreuves et de la mort. Le ciel composa/conjugua l’Homme lequel (re)devint l’antre-ciel-Ether. Uranie enfanta l’astrologie et poètes et astrologues ne formèrent plus qu’un. Et si le poète doit se faire voyant, selon l’injonction de Rimbaud 4, l’astrologue, de son côté, se doit d’être poète et de garder à hauteur d’envol la musicalité des sphères.

Mais le psychologisme de l’astrologie contemporaine dédaigne la puissance évocatrice et créatrice de l’analogie poétique et allonge la psyché sur le divan des mille et un brouillards. L’identification du complexe simplifie l’interprétation, et le chiffrage des planètes fait grimper la rationalité sur l’échelle des statistiques. Le feu prométhéen se réduit à la flambée du dollar, et l’ascétisme saturnien au krach boursier. Le symbole et le mythe sont misérablement ramenés au sol avec un devoir à chercher, et la réalité rugueuse à étreindre. 5 Signe ascendant 6, où te caches-tu ? Tristesse d’Uranie qui devrait en appeler à une occultation nette et profonde de son savoir.

Qui n’a pas épousé les courbes de sa Vénus intérieure ne peut appréhender l’Aphrodite de ses rêves. Par ce jeu de correspondances, l’être vit son incarnation sans prendre possession de lui-même. Car se posséder, quel sens cela a-t-il ? C’est dans une dépossession permanente que l’énergie créatrice s’engendre et peut, de ce « lâcher-prise », transformer le monde. Participer à l’effort d’ascension vers notre harmonie céleste intime c’est rétablir de façon consciente notre lien avec le cosmos. Ce n’est pas le Saturne d’en haut qui alourdit notre marche, mais notre Saturne intérieur qui plombe nos semelles ! L’inversion de sens aurait son mot à dire car elle ouvrirait l’esprit sur une pensée sans cesse en renaissance. Rétorquerait-on : « À chacun son temps » qu’il en serait fini de cette époque car, en fait, la question ne relèverait plus de la circonstance, ni du milieu mais de plans psychiques parallèles. Cette dynamique nous permettrait de dépasser le seuil de nos élans interrompus parce que le temps consacré serait ainsi aboli.

« La lampe dans l’horloge » ce titre d’André Breton, indépendamment de son texte, est à lui seul évocateur. Cette association de la lampe et de l’horloge m’a toujours fait songer par analogie à l’arcane VIIII du Tarot : L’Hermite (en correspondance avec Saturne). La quête incessante, la nécessité impérieuse du dévoilement et son rapport au temps en tant que composé d’énergie et de tension (dans le sens de tendre vers…). Cette cape marine dont est vêtu l’Hermite nous renvoie à notre propre nuit mentale. Un pan d’étoffe s’écarte — ouverture vers l’or — et nous rappelle que le Grand Œuvre, donnant naissance à l’Adepte, repose sur la précision du geste et de l’orientation. Cette lampe, à hauteur d’yeux, donne à voir ce que la vue ordinaire interdit. Mais elle semble reposer comme dans un équilibre suspendu, la courbure de la main formant l’arche du départ. Cet équilibre suspendu invite au dépassement, mais à la mesure du chemin parcouru. Chaque étape implique impérativement un niveau d’intégration, de conscience en l’absence desquels toute avancée serait pure illusion. Ce cheminement sous cape impose à l’esprit une mobilité inverse à sa volonté initiale, et l’entraîne à devoir se redéfinir sans cesse. De cette « rotation mentale », la notion de l’acquis deviendrait obsolète car, grâce à cette impulsion de dégagement, s’ouvrirait la brèche par laquelle s’infiltrerait ce que nous sommes en devenir (Ce que l’on dit de mon « je suis » éclaterait sur le vif car l’immédiateté de mon échappée mentale laisserait sur place une enveloppe charnelle qui ne serait plus mienne). Sous cette cape marine s’écoule le rouge qui se nourrit du feu. Moralement où le feu n’est plus, rien n’est plus (et l’on ne saurait confondre avec le feu les braises défaillantes avec lesquelles certains se chauffent). 7 Ce feu qui tient le rôle de purificateur, d’éveilleur ranime la flamme de la soudaineté par laquelle se manifeste le flux de l’intuition, étincelle aurifère dans la nuit de l’esprit. Mais, là aussi, prudence sur le jeu du feu car la règle à suivre n’a pas de sentier(s) défini(s) par avance puisqu’il(s) se déroule(nt) à mesure que la foulée de l’esprit naît à elle-même dans l’immédiateté de l’instant. Discernement. Vigilance…

L’astrologue a pour mission de rétablir les connexions endormies au cœur de l’être. Il est le vent révélateur qui ventile le ciel-esprit. Saturne mal intégré, en désaccord avec la mesure des sphères, entraîne une chute mélodique et un attiédissement du feu intérieur. D’où la cacophonie galopante et assourdissante qui handicape toute création soi-disant inspirée. L’intelligence prend naissance quand l’esprit, le cœur et le corps sont en harmonie réelle. 8 « Quelle évidence ! » dira-t-on. Alors, je demande qu’on me démontre sur-le-champ cette évidence. Je ne vous vois plus, je ne vous entends plus, où êtes-vous ?

Mais est-ce à dire que l’astrologue échappe aux corridors de son endormissement ? À la disharmonie de sa partition céleste ? Certes non. Lui comme tout autre — et peut-être plus que tout autre — se doit de ne jamais considérer sa connaissance comme un absolu de vérité, comme un acquis indiscutable. Car songe-t-il un seul instant que le message des astres ne lui appartient pas, pour qu’aussitôt ses assises se mettent à chanceler. Pour qu’aussitôt il se raccroche à la bonne charpente matérialiste et se fasse fort de mettre Uranus à ras de terre de crainte qu’il lui brûlât la cervelle. Trop de fausses paix proclamées sous couvert de Jupiter. Trop de conformismes sclérosants répandus sous le sceau de Saturne. Trop de poudre de perlimpinpin pour nous faire prendre la poudre d’escampette ! Avec cette pensée abjecte de « Qui veut la paix prépare la guerre » ou « La fin justifie les moyens » l’homme ne participe-t-il pas à la « dégénérescence » des valeurs originelles de Jupiter ? Ramenant Zeus à la formation en rangs bien serrés et aux pas cadencés, les idées les plus aberrantes ont donc toute liberté d’action. Et quand bien même selon l’adage « Jupiter rend fous ceux qu’il veut perdre » ceux-ci ne seraient jamais assez perdus. Régler le symbole sur la fréquence humaine parasite le champ de la perception et laisse toute liberté d’emprises aux manipulations mentales. Ainsi bien des prévisions malheureuses parce que l’astrologue « modern style » a abandonné son rôle de fils du feu — dans l’acception prométhéenne — au profit du mirador phénoménal qui balise sa promenade existentielle.

Le renversement de signe 9 ne doit-il pas être pris en considération sur la matière même de l’astrologie ? Car de ce renversement de signe à la révision déchirante découlant de la mutation des psychismes dont parlait Carlo Suarès 10, il n’y a que la transition pour l’humanité de l’ère des Poissons à l’ère du Verseau, soit le déplacement du point Gamma. Cette mutation aurait pour conséquence l’anéantissement de tous les symboles provoquant ainsi l’irruption d’une nouvelle énergie psychique. Ce parallèle entre l’entrée dans l’ère du Verseau et la révolution des consciences ramènerait l’homme non à son état primordial mais à son essence subtile à partir de laquelle se dresserait un monde nouveau parce que débarrassé de toutes les scories mentales.

Cette hypothèse (nous n’y sommes pas encore, et pas prêts d’y être mais l’anticipation est permise… 11 ) ne peut laisser indifférent l’astrologue que je suis et qui exerce son art à la lumière des symboles et des mythes. Cette ère nouvelle se placera sous le règne d’Uranus gouverneur du signe du Verseau. Uranus — Ouranos chez les grecs— est une énergie d’arrachement, d’émancipation, de libération de tous liens qui rattachent à la matière, handicapent l’élancement de l’être. 12 alors que l’ère des Poissons — émotionnelle et affective — dans laquelle nous sommes marque les utopies, les grands courants collectifs, humanitaires, qu’ils soient d’ordre politique tel le Marxisme, utopique comme Charles Fourrier et son phalanstère jusqu’à l’inconscient collectif de C.G. Jung, et sans oublier le mouvement spiritualiste new age auquel se rattache — dans ses fondements— l’astrologie humaniste de Dane Rudhyar. L’homme se cherche intérieurement mais par projection vers l’autre et par force désirs de rassemblements, de communions. L’homme est ainsi devenu souffrance de lui-même en l’autre. Neptune — gouverneur du signe des Poissons— symbolise les puissances de l’ombre, l’inspiration, les profondeurs océanes d’où peuvent surgir des mémoires ancestrales. Mais la mouvance neptunienne ne contient pas l’influx nécessaire pour incarner les forces de renouveaux ; elle les contient sans parvenir à les concrétiser, à les structurer. Neptune c’est l’élan fusionnel, communautaire mais qui ne réussit pas à donner pleine cohérence à son propre mouvement, d’où les troubles, les états confusionnels et les dissolutions permanentes ; dissolutions comme aboutissements inéluctables. D’où aussi toutes ces ramifications de courants psychiques qui brouillent la perception ascendante et par voie de conséquence se retournent contre eux-mêmes. 13 



Uranus, en revanche, c’est le Feu primordial, le décentrage (le Soleil symbole du moi est en exil en Verseau) car il rompt systématiquement avec les forces de rassemblements, il se place en « écart absolu ». La fusion ne pouvant entraîner que son exil vers le bas, il ressent de ce fait un besoin impérieux et constant d’ascension, d’autodépassement (non dans l’acception de remporter une victoire sur soi mais plutôt dans la volonté de ne pas en rester là…) et de désenchaînèrent (que les chaines soient affectives, morales, idéologiques). Il contient en lui le possible de la re-naissance parce que porteur de sa propre co-naissance, de ce feu prométhéen apte à transmuer les puissances neptuniennes en forces-vie ; le transfert de l’énergie-matière en énergie-conscience. 14 

De telles perspectives 15 me laissent songeur et en même temps plein d’espoirs. Ne sera-ce pas là le commencement de la véritable Révolution, la réalisation de la liberté libre ? L’homme ne se sentira plus prisonnier dans le temps et l’espace, mais prendra conscience que le temps et l’espace sont en lui. Une transcendance à ciel ouvert en somme. Une humanité en tonalité harmonique entre Uranie et Orphée où l’être atteindra — peut-être (?) — ce fameux point de l’esprit « le point suprême”. 16 
(…) Le tout petit peu de conscience que nous avons réunie en un paquet dénommé « je suis » nous l’enfermons dans une maison dont toutes les fenêtres sont murées, sauf une, à laquelle nous donnons la forme d’une étoile, d’une croix, d’un croissant, de triangles ou d’autre chose, et nous attendons que la vie nous emporte par là. Mais le voyageur de la nuit qui passe d’aventure ne voit ni la fenêtre, ni même la maison, car il est au-delà du Temps et de l’Espace. 17


Fabrice Pascaud, revue Supérieur Inconnu (1999)



1 “L’ample vêtement sorti du sel qu’on appelle présent chez les barbares” Marc Thivolet. Ed. La maison de verre.
2 “La poésie moderne et le sacré” Jules Monnerot. Ed. Gallimard
3 La divination par le vol des oiseaux est appelée « ornithomancie ». Cette forme de divination était pratiquée en Mésopotamie, chez les Hittites, les Grecs, les Latins et les Arabes. À Rome, les auspices (Éty. Latine : avis = oiseau ; specere = voir) étaient l’art d’observer, d’interpréter le vol, le cri, l’appétit et la manière de se comporter des oiseaux. Il va sans dire qu’il est nécessaire de faire une distinction entre cette mancie et « la langue des oiseaux » qui est la prérogative d’une haute initiation. À ce sujet, se reporter à l’ouvrage « Symboles fondamentaux de la Science sacrée » René Guénon Ed. Gallimard. Col. Tradition
4 “La lettre du voyant” Arthur Rimbaud
5 “Une saison en enfer” -Adieu- Arthur Rimbaud
6 “Signe ascendant” André Breton. Poésie Gallimard
7 “La lampe dans l’orloge” André Breton. Ed. Robert Marin 1948
8 “L’éveil de l’intelligence” Krishnamurti. Ed. Stock
9 André Breton. Op.Cit.
10 “Sur les mutations du psychisme” Carlo Suares in “les cahiers du Symbolisme” n°1
11 Le point Gamma fait le tour du cercle des constellations (360°) en 25750 ans et en parcourt ainsi 1° en : 25750 ans : 360° = 75,5277 années. En l’an 2000, 10° séparent encore le point Gamma de la constellation du Verseau : 75,5277 x 10° = 715 ans. An 2000 + 715 = 2715. L’humanité entrera donc dans l’ère du Verseau en l’an 2715. Toutefois, les astronomes précisent que ce chiffre pourrait connaître des variations. En effet, il n’est pas du tout déterminé d’une façon absolue que la rétrogradation du point Gamma soit linéraire et régulière.
12 Ce n’est pas un hasard si Uranus expédiait sa progéniture au fond du Tartare. Par cette soi-disant incapacité à “se lier” à “éduquer” se manifestent les puissances de dégagements et de non-appartenances à partir desquelles peut surgir une conscience neuve car non assujettie à tout un réseau de données, de mémoire, de connaissances antérieures.
13 L’ère des Poissons est souvent associée à la naissance du Christianisme. Il est vrai que le symbole s’était mué en signe puisque le poisson était le signe de ralliement des apôtres. Mais au-delà de ce signe, l’expérience intérieure de la conversion que réclame le Christianisme se place en totale adéquation avec la symbolique Neptune-Poissons : absorber la différence, la part d’inconnu de l’être pour la diluer en un même courant unitaire afin d’en revenir à l’alliance. D’ailleurs le trident, l’arme du Dieu Poséïdon, n’a-t-il pas pour fonction de harponner l’autre pour l’attirer à soi ? Ce trident devenu le glyphe astrologique de la planète Neptune. Du reste ne voit-on pas dans la forme même de trident la présence de la croix aux bras repliés vers l’avant, prêts à saisir ? Le « Aimez-vous les uns les autres » concentre la volonté fusionnelle qui passe par le retour à l’origine et le repentir soit epistophê et metanoïa. L’aspect totalitaire de cette conversion trouvera sans doute sa résolution par l’entrée dans l’ère du Verseau — littéralement « verse-eau ». La volonté uranienne d’opposition, de se placer contre, balaiera cet engourdissement terrestre — le péché originel — pour libérer la véritable eau de feu — l’eau de vie — soit la flamme de l’esprit faite homme lequel sera alors le créateur de son propre ciel intérieur.
14 a) Uranus détient d’autant plus la flamme jaillissante du Progrès qu’il est l’octave supérieure de Mercure qui symbolise la jeunesse, la curiosité, la réflexion, le mouvement tant physique qu’intellectuel. De plus, Vénus — qui a vu le jour à la suite de l’émasculation d’Uranus par Saturne — véhicule à la fois les puissances de Neptune parce que née dans ses profondeurs et l’énergie révolutionnaire d’Uranus privé temporairement de sa puissance d’engendrement. Tout laisse donc à supposer que l’ère du Verseau-Uranus libérera la Vénus supérieure. Le potentiel innovateur qui l’anime aura sans doute pour effet de modifier jusqu’à la vision, la définition même de la beauté et de l’amour.
b) La conjonction* Uranus-Neptune entre 1990 et 1995 a marqué une accentuation des grandes crises sociales, mis à mal les idéologies. En s’éloignant actuellement de Neptune, Uranus part chargé des valeurs de ce premier et offre donc la possibilité de voir une amorce de réalisations de certaines utopies, un début de mutation des consciences par une nouvelle approche de la réalité qui provoquera progressivement un bouleversement des valeurs, un démantèlement des structures.
*La conjonction est un aspect astrologique qui se traduit par la rencontre de deux ou plusieurs planètes dans un orbe d’éloignement maximum toléré de 10 °. Cet aspect est le plus puissant puisque, selon la haute tradition astrologique qui remonte à Pythagore, le monde est né sous une Grande conjonction et disparaîtra sous une autre Grande conjonction. De plus, c’est de la conjonction que naissent tous les autres aspects : semi-sextil, semi-carré, sextil, carré, trigone, sesqui-carré, quinconce et opposition.
15 Je me permets de préciser que, de cette prospective astrologique, il ne saurait être question d’en conclure de la supériorité d’une ère sur une autre ; tout s’inscrit dans un processus cyclique d’évolution.
16 « Tout porte à croire qu’il existe un certain point de l’esprit d’où la vie et la mort, le réel et l’imaginaire, le passé et le futur, le communicable et l’incommunicable, le haut et le bas cessent d’être perçus contradictoirement. » André Breton « Second manifeste du surréalisme » Ed. J.J. Pauvert.
17 Carlo Suarès. Op.cit

jeudi 5 mars 2015

Jacques Lacomblez


Dans tes yeux la main du temps coupée laisse à chaque regard un peu de sable ancien, tout ce qui reste des jours d'aimer dans les forêts de fontaines bleues.

- Non, tu ne rêvais pas : les roches nous avaient des caresses blanches et noires comme les fées qui dorment sous ta robe -

Ne te retourne pas, c'est toi la femme qui te suit, toi, s'il n'y avait déjà cette aile du soir à l'aube de ses cheveux.

Toi, si elle pouvait dire  « Je nous aime » comme une liturgie de cristal pour les instants sacrifiés. Je parle de celle qui te ressemble, et tout le paysage se perd en ton corps pour ne plus être que toi. Au séjour menacé, ainsi l'être se fait lieu dans la fraîcheur et la beauté d'une catastrophe naturelle. Je sais que tu m'attends avec la grâce et les parfums d'une seconde dans une chambre perpétuelle.

Alors, je trace autour de toi le château de mon absence.

Jacques Lacomblez, extrait d'Ici là ne pas. Dans Pour une phrase voilée (1986-1994). Bruxelles, Atelier Ledoux Éditions, 1996.

vendredi 27 février 2015

Paul Sanda

LE ROSTRE

  marcher & remarcher souffrir & fouailler quelque espace de terre jaune argile la craie agile & le couteau piochant triturant l'adret la caillasse couteau fouillant la pierraille dire ainsi que j'ai toujours pu croire à ce que les rostres pouvaient jaillir des esprits végétaux de ces émanations du petit peuple oublié des farfadets voici quelques sculptures maritimes qui auraient pu embraser ajoncs & joncs genêts & verveines comme chair de joie
     ou bien ai-je pensé que ces beaux prolongements d'ombre pouvaient être les bijoux abandonnés comme contrepoids du gargantua ah le voir assis au roc du saint malin jusqu'aux pieds de la fontaine miracle
     c'est donc arpentant le silencieux sillon de l'onde merveille – car elle guérit le krupp – respirant au moulin tol le cri du zéphyr & des aspérités intérieures puis qu'à supposer exhumer une poignée de balles douilles de quatorze – la guerre – j'ai pu dans un accroc diabolique de la terre nue trouver à la dignité d'une artère une irruption sévère du premier âge ardent de l'ère des animaux – dire une vieille cabane perdue dans un bois aux souvenirs celui d'un vieil instituteur qui enseignait à plénitude la folie des bélemnites comme religion les palmes le tuba la ceinture de plomb & le fusil harpon qui ne pouvait servir qu'à l'apnée cruelle – souvenirs donc de cette école primitive où nous pouvions sans nulle peur explorer de longues heures durant le cuir rouge & magique de
     l'encyclopédie
     rien n'est jamais comme je le crois ni dans la réalité ni dans l'imaginaire & sans doute doit-on se connaître soi-même sans espérer & sans doute doit-on se naître vraiment soi sans chercher à s'asseoir aux banquets des riches & sans penser à faire briller les coupes ni à voir s'agiter la gaieté des gens du monde oh le rostre est un objet facile simple & rugueux fragile sans doute il se cache de l'air subtil des bouffons & de l'air amical si faux des cravates

     aimer alors le feu rauque qui crépite à nos poignées de griottes & d'alcool un petit grimoire au devant des yeux pour la nuit quant à l'emportement des lauriers roses
     enfin dans la lueur de l'aube la raison définitive d'un beau caillou
     au sourire de la huppe


Paul Sanda, 2012
Début de la performance de Paul Sanda, pour le lancement du Festival international de Poésie actuelle (Juillet 2012, Cordes Sur Ciel)


jeudi 26 février 2015

mercredi 25 février 2015

J. K. Bogartte



The Wolf House IV


It is the center of identity, where the chemist and his shadow exchange reflections in the espionage of invented mythology, where love and delirium hurl their fatal stones, and spin their long-haired cylinders in the dark gowns of an avalanche—where you, when you are close, when you are slender as a thought and more than a shade, are animated by the griffdon of erratic aerials long since outlawed in the provinces and in the warhouses of hysteria—where there is nowhere to go except where the Royal Solution sets up its outrageous barricades and its reckless scaffolding according to the smoke and water that is the blood of your face. Your face, betrayed by scorpions.


J. K. Bogartte, extrait de The Wolf House, La Belle Inutile Éditions, 2009. Portrait du poète par Istvan Horkay.


vendredi 16 janvier 2015

Jan Svankmajer


Une photographie prise lors de l'exposition Hic sunt dracones (Ici sont les dragons), Prague, 2013.

vendredi 9 janvier 2015

jeudi 11 décembre 2014

Eric W. Bragg, Urban Ruins




 Les trois photographies ont été prises à Monolith, en Californie.

"The Barn in Monolith, California, was a large storage structure next to somebody's house. Essentially, the building was a leaking time-capsule, spilling out its eccentric contents into the surrounding desert."

www.surrealcoconut.com/urban_ruins/southerncal/monolith.htm